Un grain de folie et une imagination sans limite m'invitent à plonger dans le temps et l'espace à la rencontre de personnages historiques, mythiques ou légendaires afin de partager un moment de leur vie... Une histoire revisitée sans prétention dans un décor dressé sur une table pour deux. Invitation au rêve et à l'évasion. Ne craignez rien et suivez votre conteuse de tables!
Par Catherine Gerard
A peine la transformation réalisée, je me lance dans les airs. La sensation est grisante, je me sens forte et libre. Je découvre, émerveillée le fjord vu du ciel et m'imagine invincible.
Je vole ainsi jusqu'à la mer jusqu'à n'avoir plus aucune terre en vue. L'obscurité s'abat bientôt sur le monde mais il m'est impossible de trouver un refuge pour la nuit , les eaux s'étendant à l'infini.
Quelle sensation étrange que de pouvoir voler. Comment puis-je me sentir aussi légère avec le cœur si lourd. Je fais taire mon âme angoissée et me fais forte de mon courage, nourrie par l'espoir incommensurable de le retrouver.
La lueur timide de l'aube annonçe la venue d'un jour nouveau mais je n'aperçois aucune terre à l'horizon. Mes ailes sont endolories et la peur de périr avant de le rejoindre m'envahit. Je me mets alors à chanter mon amour et à prier les dieux de me donner la force de continuer.
Sans doute m'entendent-ils car bientôt se dessine au loin un petit bout de terre. Mes forces m'abandonnent, je perds peu à peu de l'altitude mais il me semble qu'un vent propice vient à mon aide pour me porter vers un village que je distingue encore à peine.
Bientôt je reconnais les habitations d'un camp viking, l'espoir renait en moi et j'ai assez de force pour pénétrer dans l'une d'elle et de m'y poser , épuisée.
Combien de temps suis-je restée endormie? Je ne le sais pas mais quelque chose me dit que le sortilège faiblit et que je vais bientôt reprendre forme humaine. Je suis cependant encore trop faible ou inconsciente pour m'en inquiéter. C'est pourtant mes yeux de femme qui découvrent les lieux où je me trouve et mes mains qui caressent la chaude fourrure sur laquelle on m'a allongée. C'est à ce moment précis que je comprends les risques que j'encours.
Une voix d'homme retentit alors;
"J'attendais ton réveil, femme."
Je connais cette voix, je me redresse fébrilement et comprends où je me trouve.
"Ragnar Lodbrok?
- En personne! Tu ne salues pas ton Jarl?"
Je rassemble aussitôt le peu de force qui me reste pour me lever et m'incliner devant lui mais la tête me tourne et mes jambes me tiennent à peine. Le Jarl me retient, m'aide à m'asseoir et me tend un gobelet de cervoise.
" Skàl"
"Tu dois être affamée après un tel voyage, je vais demander qu'on apporte de quoi te restaurer.
- Tu n'as pas l'air étonné de me voir Ragnar…
- L'oracle m'avait il y a longtemps annoncé la venue par les airs d'une femme qu'il me faudrait épargner. Ses augures sont parfois bien obscurs mais en entendant le corbeau que tu étais murmurer dans son sommeil, j'ai compris ses paroles. Cependant, au risque de te décevoir, celui qui hante tes rêves et dont ta bouche...peut-être devrais je dire ton bec ( éclat de rire), dont tes lèvres prononcent le nom avec tant de ferveur, n'est pas ici.
- Mais où se trouvent-ils alors? N'était-il pas à tes côtés lors de vos dernières invasions?
- Il a toujours été près de moi, courageux, loyal, portant le bracelet le liant à moi depuis le jour où il m'a prêté allégeance.
Cependant, nous sommes différents sur bien des points et il est arrivé que nos opinions divergent quand à la façon de mener l'invasion. Il m'arrive de le trouver un peu trop prude ou clément. Soit, tu ne le trouveras pas ici. Je dois cependant saluer ton courage, femme, il faut être bien folle ou éprise pour faire appel à la magie et entreprendre un tel périple? Ne crains tu pas la colère des Dieux?
- Il me semble que les dieux fassent preuve de clémence et même de bienveillance envers moi, peut être sont ils émus par la force de l'amour qui le lie à moi.
- Qu'auraient les dieux à faire d'un tel amour? N'ont-ils pas assez d'agrément à regarder leurs enfants s'entretuer?
- N'as-tu jamais connu l'amour Ragnar?
- Peut-être pas un amour comme le tien. Tu dois être bien douce ou chaleureuse pour qu'un homme tel que lui se refuse à honorer d'autres femmes!"
Prononçant ses paroles, Ragnar m'agrippe violemment par la taille et approche ses lèvres des miennes, folle de rage et de dégout j'empoigne la première arme à ma portée et m'apprête à le poignarder sans hésiter.
Il se dégage rapidement de cette étreinte...
"Hola , femme, tout doux, tu n'as rien à craindre de moi, je vérifiais simplement ta fidélité; Quel homme digne de ce nom me reprocherait d'avoir essayer ? Sauvage et vertueuse, quelle belle association… J'en finirais presque par l'envier. Baisse ta garde, je vais te raconter notre ultime rencontre. Lors de la dernière bataille de notre expédition vers les côtes anglaises, ton homme s'est battu avec plus de courage que cent guerriers réunis. Mais nos adversaires étaient en plus grand nombre et il fut frappé dans le dos par un anglais que j'embrochais aussitôt pour le venger. Lorsque je me suis approché de lui, il était aux portes du Valhalla et prononçait ton nom dans un dernier souffle. Ne pouvant me résoudre à l'abandonner sur le champ de bataille, nous l'avons ramené pour lui offrir des funérailles dignes de sa valeur… Ne pleure pas femme, écoute la suite de mon récit… Quelle ne fut pas notre surprise de le voir reprendre sa respiration et d'ouvrir les yeux. Certes ses blessures furent longues à guérir et il a souffert de fortes fièvres mais il était toujours parmi nous et ce uniquement grâce à toi et aux prières que tu adressais chaque jour à la déesse...
- Oui, j'ai bien vu et senti cette large cicatrice au bas de son dos mais il ne m'a jamais dit avoir frôlé la mort.
- A quoi bon t'alerter? La déesse a répondu à tes prières, accepté tes offrandes et sacrifices et t'a rendu ton homme... mais seulement pour un temps."
Ainsi, Freija se serait joué de moi et l'aurait rappelé à elle pour l'envoyer au Valhalla
Mais comment pourrais-je me résoudre à cette absence, à cette mort. Je revis sans cesse cet instant précieux, cette dernière communion de nos corps où, posant ma main sur son torse, il me demanda de m'imprégner de lui, de sa peau, de sa chaleur. Dès lors, quelque soit le temps ou la distance nous tenant éloignés l'un de l'autre, je ressens en moi une part de lui qui ne me quitte pas et prie les dieux de l'Asgard qu'il en soit de même pour mon homme.
Je ne prierai plus les dieux de l'Asgard et ne m'en remettrai qu'à mon intuition . Et si aucune larme ne me monte aux yeux en écoutant Ragnar, c'est qu'en mon cœur en cet instant, je sens battre le sien.
A suivre...
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