Episode 8. Les noces vikings.

16.02.2023

Anéantie, aucun autre mot ne peut mieux me décrire. Avoir vu mon homme s'unir à une autre, même si j'essaie de me persuader que ses desseins sont purement politiques, m'a plongée dans une étrange torpeur. Je me refuse à ressentir le moindre chagrin, le moindre regret et repousse tout espoir, si mince soit il, qui tenterait d'éclaircir mon désormais si triste destin.

Je rejette de mes pensées tout ce qui pourrait en bien ou en mal me ramener à lui. Aujourd'hui s'ouvre à moi un tout autre avenir.

Une année s'est écoulée et je viens d'accepter après longue réflexion, la demande d'un chef de clan.

Ce jour qui se lève saluera la bénédiction de notre union.

Les raisons qui m'ont poussée à consentir à sa demande restent confuses... peut être pourrai je un jour me les expliquer.

Le clan est en effervescence, chacun vaque à ses occupations pour préparer le banquet. Le Jarl se congratule d'être enfin arrivé à ses fins.

J'ai cousu point par point ma robe, m'en suis parée seule et dans le plus grand calme. J'ai orné ma chevelure détachée d'une couronne de fleurs de saison et attend désormais assise dans le plus grand silence que l'on vienne me chercher.

Je promets qu'à cette heure, mes intentions sont louables. Je souhaite devenir la digne et aimante compagne de ce vaillant viking qui me fait l'honneur de me prendre pour épouse.

Le Jarl s'enorgueillit déjà de cette union qui rallie nombre de clans à sa cause.

Il doit se gausser de mon obéissance et de mon allégeance envers lui. Cette seule idée me révulse mais le temps n'est pas à la vengeance, pas encore...

L'heure est venue.

Je me lève lentement, défroisse ma robe, réajuste les fleurs piquées dans ma chevelure et arborant un léger sourire m'avance fébrilement vers mon destin.

Je garde les yeux baissés, évitant ainsi le regard de cette foule curieuse venue assister à la cérémonie.

Je dois garder mon sang froid. Personne ne doit percevoir ma peur. Dans un instant je deviendrai l'épouse d'un guerrier viking dont la réputation n'est plus à faire. Ou tu plies devant lui ou tu meurs.

Je lève enfin la tête. Il est là debout et fier, visiblement satisfait de me voir enfin m'avancer vers lui. N'imaginez pas que cet homme ait le moindre sentiment envers moi, pas plus que je n'en ai pour lui. Les mariages vikings sont affaire de richesse, de pouvoir, d'alliance entre clans à l'issus de longues négociations.

Le mariage a lieu, selon l'usage, un vendredi, jour dédié à Frigg, compagne d'Odin, déesse des épouses et des devoirs conjugaux.

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Je dois pourtant admettre lui trouver une certaine prestance et me vient alors l'espoir d'être aussi à son goût.

Son regard d'acier me dévisage, me déshabille et m'oblige à baisser les yeux. C'est à cet instant que me revient en mémoire le regard que posait sur moi mon homme et le désir irrépressible qu'il provoquait.

Chasser ce souvenir, chasser cette image qui vient me tourmenter. Ce soir, je partagerai la couche de celui qui se tient devant moi. Ceci est la seule et unique vérité.

Place à la cérémonie.

Nous voici tous deux devant un ancien désigné par les hommes du clan pour célébrer ce mariage.

A l'aube, il a pratiqué le rituel du Blôt en sacrifiant à Freyr, un cheval dont il a recueilli et consacré jusqu'à la moindre goutte de sang.

Nos mais unies par un lien symbolique, il nous asperge du liquide encore chaud en gage de bénédiction des dieux.

Vient alors l'échange des épées scellant l'alliance entre nos familles et nos clans.

Les cris de joie et les acclamations s'élèvent. Le Jarl s'empresse de donner une accolade virile à mon époux , heureux de ce qu'il vient d'obtenir grâce à moi, moi qu'il ignore...mon rôle est terminé, son dessein est atteint.

Les hommes s'éloignent en riant, ils vont boire et se repaitre des plats préparés dont cette bête sacrifiée qui dore sur les braises.

Les femmes me serrent dans leurs bras puis m'entrainent vers le banquet où je me dois de rejoindre mon époux qui semble avoir oublié jusqu'à mon existence.

Les rires fusent, les chopes s'entrechoquent " SKOL", les hommes chantent. La bière et le vin couleront à flot pendant plusieurs jours.

Je prie pour que mon époux ne soit pas trop ivre lorsqu'il viendra me retrouver. Je m'en remets à Freyja et à l'hydromel pour m'aider dans cette épreuve.

Je me sens si seule parmi les invités. Chacun des visages présents me semblant étranger, je décide de m'éclipser. Certaine que mon absence passera inaperçue, je regagne mon intimité et m'allonge sur la couche, attendant le moment redouté où il viendra me rejoindre.

La chouette veille sur moi, la lame du couteau brille à la lueur de la flamme... il me serait si facile de tout arrêter!

Que les dieux figent à jamais le temps!!!

Mais tard dans le nuit, des rires répondants à des plaisanteries graveleuses se font entendre. Il arrive accompagné comme le veut la coutume de quatre de ses compagnons qui seront les témoins de l'acte charnel. Je l'entends, soulagée, leur demander d'attendre derrière les tentures.

Il se défait rapidement de sa cape et de sa ceinture et s'allonge sans un mot sur moi. Je reste là, offerte, telle une vierge soumise au sacrifice. Tout se passe très vite, sans préambule, sans tendresse, sans même un baiser. Mais il n'est pas non plus la brute que j'avais imaginé. L'affaire faite, il se relève, il noue sa ceinture, jette sa cape sur ses épaules et s'apprête à regagner le banquet. Il hésite, se retourne, revient vers moi. Il prend au passage sur le plateau un fruit qu'il me tend , remonte sur moi la peau de loup et me caressant l'épaule:

" Repose toi, demain et tous les jours qui suivront, nous apprendrons à nous connaitre et qui sait, un jour peut être, pourras tu m'aimer"

Il disparait me laissant étonnée et pensive.

Me vient alors à l'esprit la vision de mon homme qui m'a préféré le pouvoir. Je le chasse bien vite, je dois laisser une chance à ce tout nouveau mariage. Je m'apprête à m'abandonner au sommeil essuyant au passage, une larme glissant sur ma joue.