Un grain de folie et une imagination sans limite m'invitent à plonger dans le temps et l'espace à la rencontre de personnages historiques, mythiques ou légendaires afin de partager un moment de leur vie... Une histoire revisitée sans prétention dans un décor dressé sur une table pour deux. Invitation au rêve et à l'évasion. Ne craignez rien et suivez votre conteuse de tables!
Par Catherine Gerard
C'est la fraîcheur de l'aube et l'humidité de l'herbe sur laquelle j'étais allongée qui me firent recouvrer mes esprits. J'avais le souffle court, une respiration haletante qui ne fit qu'aggraver mon état d'anxiété. Je ressentis une présence, un regard inquisiteur sur moi. M'obligeant à ouvrir les yeux et à lever la tête, je découvris face à moi la silhouette d'un homme dans le soleil matinal , le contre-jour ne me permettait pas de voir son visage mais je pus remarquer qu'il portait le tartan du clan MacKensie et pour en avoir étudier l'histoire, je compris instantanément que je me trouvais sur les plateaux des Highlands en l'an 1743 . Ainsi ce que l'on racontait était vrai!
L'homme était grand. Il s'adressa à moi dans une langue gutturale que je pensais être du gaëlique et qui m'était totalement inconnue. Le ton qu'il empruntait semblait des plus autoritaire et ne laissait présager d'aucune empathie à mon égard. Devant mon incompréhension, il m'obligea brutalement à me lever , me lia les mains et m'obligea à le suivre dans le plus grand silence, sans autre forme de procès. Au bout de quelques heures de marche, pendant lesquelles il ne dit mot, me laissant boire de temps en temps l'eau de sa gourde… la soif et la fatigue annihilant chez moi toute méfiance sur le plan sanitaire, ce que je me reprochais rapidement mais trop tard .
Nous arrivâmes devant un manoir typique de cette région d'Ecosse et je ressentis un vif plaisir et l'éveil optimal de ma curiosité récompensée. L'homme qui je le savais maintenant n'était autre que Dougal chef de guerre du clan MacKensie et propre frère du laird, me délia les mains et m'invita à entrer dans sa demeure. Il se mit alors à parler, parler et je crois que mon regard perdu finit par avoir raison de sa colère. Il s'effondra sur son fauteuil, laissant échapper un profond soupir et je crus voir dans sa barbe, l'ébauche d'un sourire.
"-Vous ne comprenez rien de ce que je vous dis, n'est ce pas? Une espionne anglaise, une autre sassenach!!! "
Il venait de s'adresser à moi en anglais et le simple fait qu'il me nomme sassenach et me soupçonne d'être une ennemie de la cause écossaise aurait du me terrifier mais l'idée me fit sourire et mon esprit s'envola vers ma fille qui se moquait régulièrement de mon accent "so british" chaque fois qu'il m'arrivait de m'exprimer dans la langue de Shakespeare.
- Je n'entends rien , il est vrai, au gaëlique mais avec cet accent et cette façon bien à vous de transformer la phonétique, je ne comprends guère plus quand vous vous adressez à moi en anglais!! Et puis vous parlez beaucoup trop vite pour que j'arrive à saisir votre discours?
- Phoné...quoi? Si vous souhaitiez entendre une diction londonienne, peut-être auriez-vous du séjourner à Londres!
"-Mon souhait était de découvrir l'Ecosse, pas l'Angleterre sir Mackensie . Je ne suis pas une espionne au service des tuniques rouges ni même une de leurs compatriotes, je suis arrivée il y a peu de France.
- Aye! J'aurais du le deviner, vous avez bien trop d'élégance pour être anglaise; encore que votre accoutrement me semble peu approprié à la situation… à quelque situation soit-elle d'ailleurs. Venez vous asseoir Lassie, me ferez vous le plaisir de goûter un verre d'un whisky de ma fabrication et dont mes amis, comme mes ennemis d'ailleurs, se délectent?
-Je crains que cela ne soit un peu fort pour moi mais j'y tremperai les lèvres avec plaisir pour en apprécier le goût puisque vous me faites l'honneur de me l'offrir. En fait non, je pense que quelques gorgées m'aideront à me remettre des émotions de cette longue journée et à me réchauffer."
Voyant que je remarquais son regard insistant sur mes jambes, Dougal MacKensie, se ressaisit, s'avança pour reprendre mon verre et m'invita à me lever.
"-Madame Dàibhidh , va vous trouver une tenue plus convenable, lorsque vous aurez-pris un peu de repos, venez me rejoindre pour le souper, vous me parlerez de vous, oh mais , j'ignore jusqu'à votre nom … Lady?
- Lady Catherine.
- Alors, à tout à l'heure Lady Kathreen !"
Il prononça mon prénom en roulant les r, ce qui me fit penser que mon être tout entier avait subit une transformation et la crainte me vint de ne pas reconnaître mon reflet si je venais à croiser un miroir.
Madame Dàibhidh, qui je le suppose, tenait le rôle de gouvernante dans la demeure Mackensie, m'installa dans une pièce qui ressemblait plus au laboratoire d'un alchimiste ou d'une guérisseuse qu'à une chambre proprement dite . Je pus cependant m'y reposer un peu. Madame Dàibhidh vint m'aider à la toilette et à enfiler une tenue digne de la circonstance . Le port du corset me parut bien inconfortable mais je dois avouer que l'ensemble me seyait à merveille et que aimant à outrance les costumes d'époques, je me voyais, au demeurant, comblée.
A mon entrée dans la pièce, le sourire du sieur Mckensie montra que lui aussi appréciait la transformation. Il m'offrit son bras et tira le siège pour m'aider à m'asseoir, j'étais "Lady Kathreen"! Quand on dit que l'habit ne fait pas le moine… Le repas se déroula dans un silence quasi complet sans qu'il en soit pesant. Mon hôte passant son temps à me jauger sans la moindre vergogne. On ne servit aucun des mets que je craignais devoir goûter. Le vin était loin de valoir ceux de mon pays mais je n'en dis rien et en repris volontiers chaque fois que l'on voulut me resservir. Pourtant, cela était bien imprudent ; je savais qu'il me fallait garder la tête froide.
Comment aurais-je pu révéler à cet homme que je venais du futur, de l'année 2020 exactement où la suite d'une pandémie que personne n'avait envisagée, les habitants de nombreux pays avaient du vivre confinés chez eux , sans aucun contact avec le reste de la population afin d'éviter la prolifération d'un virus qui d'en d'innombrables cas s'était révélé mortel?
Comment lui aurais-je expliquer que c'est lors de cet isolement que j'avais pris conscience de l'importance de passer du temps avec les gens que l'on aime quand la possibilité nous en est donnée, de ne plus perdre de temps, de cesser de procrastiner, de relativiser, de revoir ses priorités et donner une chance à ses rêves dans la mesure du possible et du raisonnable, bien sûr… Et que c'est aussi dans un désir de me reconnecter à l'essentiel et aux forces de la nature que lors de ce voyage dans ce pays de légendes, je me suis rendue sur la colline de Craigh na Dun, que j'y ai entendu l'appel des pierres dressées et que ne pouvant résister à l'envie de les toucher je m'étais réveillée 277 ans plus tôt, à ses pieds.
Je ne sais pas si c'est le vin ou ces pensées en apparence insensées qui me tournaient la tête mais j'entendis Dougal MacKensie me proposer un autre whisky et me dire:
" Aye,lassie, je sais exactement l'endroit d'où vous venez, mais à vous de me conter votre histoire et de me dire de quand vous arrivez !"
Il se tenait fier devant moi et avec le plus grand naturel je m'approchais tout près de lui pour arranger son jabot et lui dît:
" C'est une très longue histoire…"
A quoi il répondit; "Aye Kathreen, n'avons nous pas tout notre temps?
Qui peut savoir?
Petit lexique pour celles et ceux qui n'ont vu ni lu "Outlander"
aye signifie oui en gaëlique
Lassie peut être traduit par demoiselle ou jeune fille, terme affectif
sassenach est le terme péjoratif poor désigner les anglais
un laird est un seigneur auquel les nobles prêtent allégeance.
et pour Kathreen prononcer Kadrine et roulant le r et en insistant sur le i.
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