Un grain de folie et une imagination sans limite m'invitent à plonger dans le temps et l'espace à la rencontre de personnages historiques, mythiques ou légendaires afin de partager un moment de leur vie... Une histoire revisitée sans prétention dans un décor dressé sur une table pour deux. Invitation au rêve et à l'évasion. Ne craignez rien et suivez votre conteuse de tables!
Par Catherine Gerard
Six mois, six mois depuis le retour des nôtres au campement. Les plaies de nos valeureux guerriers ont cicatrisé. La douleur de la perte d'un fils ou d'un compagnon torture inlassablement les coeurs et les esprits. Le ventre des femmes fécondes s'est arrondi et avec le printemps naîtront les fruits de longues retrouvailles. La vie à repris son cours.
Lui, s'affaire à forger les outils qui laboureront nos terres le printemps venu. Puis, les mois passants, nous fêterons les moissons puis engrangerons les récoltes pour subvenir à un autre hiver.
Moi, je remercie chaque jour la déesse Freija de me l'avoir ramené sain et sauf et vis intensément chacun des instants qui nous unit car nul ne sait de quoi demain sera fait.
Je le sais heureux d'être chez nous et lui rend chaleureusement le sourire qu'il arbore chaque fois qu'il croise mon regard.
Et pourtant...Je les vois ces rides qui creusent son front et ce regard lointain lorsque attendant près de l'atre l'heure du repas, il aiguise encore et encore le tranchant de son épée. Il peut bien m'assurer du contraire, je vois bien que, jour après jour, l'ennui l'envahit et que le désir de reprendre le large le gagne.
Ce soir, comme chaque soir, nous ferons des projets autour du repas puis nous unirons au sein de notre couche.
Mais ce soir ne sera pas comme les autres soirs.
Tout commence avec une plume noire virevoltant doucement pour venir se poser sur sa corne de vin remplie. Plume qu'il prend délicatement entre ses doigts pour la glisser le long de ma joue mais mon visage figé l'arrête.
D'où vient cette plume? La porte est fermée, aucun courant d'air n'a pu l'amener jusqu'à nous. J'y vois un présage néfaste qui me glace d'effroi.
"Cette plume vient de l'Asgard !
- Du domaine des Dieux? Où vas tu chercher celà?
-Odin lui même nous envoie ce message.
- Odin est bien trop occupé à se gorger d' hydromel, à nourrir ses loups et à aimer ses femmes! Ne laisse pas une simple plume assombrir ce moment. Tu sais combien j'aspire le jour durant à te rejoindre pour que nous nous retrouvions , toi et moi, seuls et plus amants que jamais à la tombée du jour.
Des croassements se font alors entendre, des cris lugubres et inquiétants. La porte s'ouvre brusquement laissant s'engouffrer deux vilains corbeaux envoyés par Odin qui se posent sur la table.
L'un dépose devant mon homme un message écrit sur un parchemin. Il prend rapidement connaissance de son contenu.
L'autre tient en son bec un bracelet d'airain qu'il semble aussitôt reconnaître.
Dans un élan il se lève et souffle de toute ses forces dans le cor. Posant sur moi son regard noir, il m'annonce sans ménagement aucun:
" Il nous faut partir, je vais rassembler les hommes. "
J'ai beau pleurer, supplier, implorer il ne me donne pas la moindre raison à ce départ précipité expliquant uniquement qu'en connaître la cause me mettrait en danger et condamnerait notre clan à une mort certaine.
Je suis anéantie. À l'extérieur les préparatifs vont bon train. Les hommes fourbissent leurs armes, chargent les victuailles et les drakkars sont mis à flot sous le regard inquisiteur de ces affreux corbeaux.
Le moment du départ arrive trop vite. Une fois de plus, les femmes resteront seules avec les enfants et les anciens effectuant toutes les tâches qui les epuiseront et les amèneront à l' endormissement ne leur laissant pas assez de temps pour penser ou pour craindre.
Mais il n'en est pas de même pour moi... J'ai bien trop d'instinct et d'imagination pour trouver le sommeil...
Où ces corbeaux envoyés d'un dieu le conduisent ils? À qui appartient ce bracelet?
Va-t-il tuer des innocents? Piller des villages? Violer des femmes? Pire en aimera-t-il?
Bientôt de la grève s'élèvent les cris et les pleurs des femmes désemparées devant ces hommes qui s'arrachent à leurs étreintes.
Moi, le coeur lourd je regarde de loin ces adieux incompris.
Déjà le drakkar qui l'emmène, voile gonflée par les vents propices, file, fier, vers l'horizon échappant bien trop tôt à mon regard.
Je reste là, seule et perdue, sans voix... résistant au sanglot qui m'oppresse quand je vois un corbeau revenant vers la côte. Ne le quittant pas des yeux, je le regarde venir vers moi et lui tends la main afin qu'il s'y pose.
Il avait un message pour moi.
" Si je ne te reviens pas, que les valkyries honorent le courage qu'il me faut pour te quitter et combattre en m'emportant vers le Wahlallah. Je ne veux pas de larmes. Je te veux fière et confiante. Les Dieux veulent encore éprouver notre amour. Ils ignorent que nous ne faisons qu'un que ce soit dans ce monde où dans le souvenir que nous aurons L'un de l'autre si la mort nous séparait... Sois forte. La distance et le temps n'altèrent en rien ce qui nous lie..."
À suivre...
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