Coeur de dragon. Partie 1. Du chevalier de l'ancien code au chasseur de dragons

06.09.2023

Comme il fait froid dans cette immense bâtisse. Même enroulée dans d'épaisses fourrures, je peine à trouver le sommeil. Ce château a certes connu des siècles de gloire mais suite à des guerres interminables et à des attaques répétées, il est à ce jour ouvert à tous vents. La nature, elle, tente ça et là d'y reprendre sa place.

Dressée au sommet d'une colline, il demeure majestueux mais manque cruellement de chaleur pour celle qui, encore aujourd'hui, vit entre ses hauts murs.

Au flanc de la colline, un chevalier sur sa monture, semble porté toute la misère du monde sur ses épaules. Il s'avance en maugréant vers l'entrée du château.

" Maudis sois tu dragon, j'avais mis tous mes espoirs en ta parole et tu nous as trahis! Ce soir, ici, face aux étoiles , je fais la promesse solennelle de vouer le reste de mon existence à te chercher. Mon âme ne trouvera de repos que lorsque je t'aurai occis."

Il arrive bientôt à la porte du fort qu'il n'a nul mal à pousser et se trouve dans une des grandes salles dont le décors semble le révulser.

Il pousse un hurlement de colère!

"Le destin se jouerait il de moi pour m'amener en ce lieu ? Serait ce là un sanctuaire voué à ceux de ton espèce?"

Sa rage semble décuplée et ses hurlements m'alertent, je descends en hâte une torche à la main et me retrouve face à lui , à l'autre extrémité de la salle.

" Quel est cet endroit? Qui êtes vous?" Vocifère t il.

" Tout doux chevalier, il semble que vous ayez pénétré ma demeure sans y avoir été invité. Je ne saurai que trop vous inciter à recouvrer votre calme et à décliner votre identité."

Ebranlé par ma dignité et par la fermeté de ma voix, l'étranger se reprend et se présente avant de me saluer.

" Veuillez pardonner mon impudence Madame, la colère m'aveugle. Bowen... c'est mon nom. Où sommes nous?

- Nous sommes dans la demeure de mes ancêtres Sir Bowen. Je suis Dame Catherine, fille de Dame Hermine."

A ces mots Bowen pose un genou à terre.

" Relevez vous chevalier. Je vous ai entendu hurlé votre courroux, qu'est ce qui a pu vous mettre dans un tel état de rage?

- Une de ces immondes créatures que vous semblez vénérer Madame!

- Un dragon? Comment un dragon a t il pu vous décevoir au point de vous mettre dans cet état messire Bowen? A t il brûlé vos récoltes, dévoré vos troupeaux?

- En trahissant toute la confiance que j'avais mise en lui!

- Vous semblez abattu, venez vous asseoir un moment. Bowen... votre nom ne m'est pas inconnu. N'étiez vous pas le précepteur du roi Eynon?

- Si fait, la reine Aislinn m'avait confié l'éducation du prince, je devais à sa demande lui inculquer les valeurs de l'ancien code établi par le légendaire roi Arthur lui même. La reine espérait ainsi que son fils deviendrait, à la mort de son époux, un monarque juste et bon, aimé de ses sujets. Eynon avait le cœur pur de sa mère, il était attentif à mes conseils et respectueux des traditions."

J'en récite alors solennellement les premiers préceptes:

" Le chevalier obéit à des valeurs ancestrales, son cœur ne connait que la vérité, son épée défend les démunis, son bras protège les faibles...

- Sa bouche méprise le mensonge, sa colère déjoue les tours du malin! C'est bien de cela qu'il s'agit et ma colère est légitime!

- Allons chevalier de l'ancien code, contez moi ce qui a pu vous plonger dans une telle rage.

- Me remémorer ces instants m'est encore à ce jour infiniment douloureux...

- Je vous en prie Bowen, confiez vous, ce n'est pas le hasard qui vous a amené jusqu'à moi."

Après un long silence et un profond soupir, Bowen reprend son récit:

"Qu'il en soit ainsi. Lors de la révolte paysanne, le roi Freyn périt et mon jeune prince devenu roi fut mortellement touché au cœur. Seul un miracle pouvait le sauver et la reine Aislinn désormais veuve d'un tyran et, comme vous, respectueuse des anciennes traditions sut comment accéder à ce miracle. Sans tarder le corps inerte du jeune roi fut emmener dans la caverne d'un dragon gigantesque. La reine se prosterna devant lui et lui demanda l'impossible...

- Un chevalier de l'ancien code peut il manquer à ce point de foi?

- Aynon était mourant, un infime souffle le retenait à la vie et devant moi, une mère agenouillée semblait garder espoir jugeant seule la tyrannie de son père coupable de ce malheur.

- Vous ne serviez le père que pour le salut de l'enfant..."

Bowen s'incline.

- Attendez de connaître la suite... Le dragon fit promettre à Eynon de gouverner avec sagesse et dans le respect des anciennes traditions. Le prince dans un ultime effort jura d'être meilleur roi que son père puis trépassa. La colère autant que le chagrin m'envahirent et je brandis mon épée contre la créature. Je fus vite désarmé et la reine, confiante, posa sa main sur mon bras pour m'apaiser. Le dragon prit alors la parole. Se dressant de toute sa hauteur il s'adressa à moi :

"Vois chevalier et salue les prodiges d'une gloire ancestrale"

Il souleva ses écailles, incisa sa poitrine d'un coup de griffe et arracha une partie de son cœur qu'il glissa dans la plaie béante d'Eynon et qu'il cautérisa d'un souffle. Aussitôt la poitrine du jeune roi se souleva et son nouveau cœur se remit à battre... Je ne me pardonnais pas d'avoir ainsi douté et infiniment reconnaissant je prêtai allégeance au Dragon, lui offrant mon épée et mon bras. Il m'invita simplement à veiller sur le roi afin qu'il tienne sa promesse de devenir un juste et noble roi respectueux de l'ancien code."

Je ne connais que trop la suite de l'histoire étant moi même sujet du roi Eynon. Aussi je décide de concocter pour le chevalier une boisson dont j'ai le secret afin de lui apporter un sommeil sans rêve pour la nuit qui s'annonce.

Eynon est devenu le roi le plus tyrannique que ce royaume aie connu. Son âme noire ne connait ni indulgence ni pitié. La mort est devenue délivrance sous son règne.

" Le dragon nous a trahi, hurle le chevalier, son cœur a perverti l'âme de moi roi, il en a fait un oppresseur, un être sans foi ni loi, craint et détesté de tous. A l'instant, je jure devant vous et sur mon honneur ne trouver le repos de mon âme que lorsque j'aurai occis jusqu'au dernier de son espèce!! Maudit soit le Dragon!"

Gardant mon calme et ne portant nul jugement à son désir tant démesuré qu'irraisonné de vengeance, je verse dans une coupe, la boisson salutaire et pose délicatement ma main sur la sienne afin de l'apaiser.

" Buvez chevalier..."

Il ne faut pas que Bowen aperçoive sur la tour voisine ce maître dragon attendant son endormissement pour me rendre visite et me transmettre à moi, Dame Catherine, la sagesse ancestrale de la caste des grands dragons.

A suivre

La table est présentée en trois diaporamas

- Les dragons

- Le repas

- Les décors

Les dragons

La table